La sculpture pariétale
Un ensemble original 
Les productions graphiques d'art rupestre sont nombreuses et présentes sur tous les continents. Elles utilisent essentiellement les techniques de la gravure plus ou moins profonde et de la peinture ; la sculpture reste exceptionnelle. Au Paléolithique, elle est rarement employée pour les œuvres destinées à orner les parois ou les sols des grottes et abris sous-roche ; plus souvent pour de petits objets mobiliers.
Art mobilier sculpté 
La ronde-bosse est présente dès le début de l'expression symbolique à l'Aurignacien, il y a environ 32 000 ans pour des objets mobiliers. Les statuettes en ivoire découvertes dans le Sud-Ouest allemand (Jura souabe) représentent chevaux, ours, lions. La découverte de la Vénus de Hohle Fels, en 2008, est exceptionnelle par le sujet représenté : une femme aux caractères sexuels hypertrophiés. Ce type de représentation fait directement échos aux nombreuses Vénus de la culture suivante.
La sculpture pariétale solutréenne 
L'attaque de la paroi 
Il y a environ 15 000 ans, les abris sous-roche en pied de falaise ont été occupés par l’Homme magdalénien dont l'ingéniosité technique a permis de dégager des surfaces aptes à accueillir les sculptures. Le site du Roc-aux-Sorciers constitue un exemple significatif de ce type d'utilisation de la paroi rocheuse. Les pratiques observés aux Roc-aux-Sorciers, se retrouvent dans les autres gisements : Cap Blanc, La Chaire-à-Calvin, Reverdit... même s'il existe des spécificités pour chacun d'entre eux. De ce point de vue, le Roc-aux-Sorciers peut être considéré comme un modèle.
Un contexte géologique favorable ? 
Les conditions géologiques dans la vallée de l’Anglin sont uniques. Au Roc-aux-Sorciers, la falaise de calcaire marin du Jurassique de Douce a été dégagée lors de l’encaissement de la vallée de l’Anglin au cours du Quaternaire. La rivière a recoupé la puissante formation récifale de l’Oxfordien supérieur, de 40 mètres d’épaisseur, essentiellement formée de calcaires récifaux massifs et durs et localement de calcaire coquillier, homogènes et tendres.
Un support adapté 
La sculpture en ronde-bosse de grande dimension nécessite une surface la moins fracturée possible. Aussi les magdaléniens ont-ils été obligés de s’affranchir de tout ce qui est fracturation de surface, liée à la décompression des terrains et à la gélifraction des roches. Seule la fracturation tectonique affectant la masse rocheuse ne pouvait être évitée. Les sculpteurs ont cherché à atteindre la roche saine et massive peu fracturée, apte à être gravée et sculptée.
L'humain et l'animal 
Les représentations sculptées sur les parois des abris sous-roche sont non seulement le témoignage de l’extraordinaire savoir-faire de sculpteur, mais rendent compte également de la manière dont les sociétés paléolithiques ont restitué leur environnement. À partir de la connaissance du milieu naturel, les magdaléniens interprètent leur univers à travers les images qu'ils produisent. Ainsi, les artistes paléolithiques ont fait un acte de revendication mais également de témoignage, celui de rendre visible leur représentation de leur monde environnant.
Conception de l’humain 
La représentation humaine n’est pas une thématique majoritaire au paléolithique. L’art figuratif est dominé par l’animal, essentiellement le bison et le cheval. La marginalisation du corps humain dans l’art relève de choix, probablement changeants selon le temps et l’espace, dont il est très difficile de déterminer les règles et codes sociaux.
Animal observé, animal figuré 
Chaque espèce animale a un statut propre, qu’elle soit chassée ou non. Pourtant les hommes du paléolithique ont fait le choix de ne figurer de manière pérenne dans la paroi que certains d’entre elles.
Un art du vivant 
Les sujets figurés ont des proportions proches de celles de l'animal vivant, des détails anatomiques précis et des attitudes animées. Animaux et humains sont figurés avec un grand réalisme et dynamisme. Les attitudes des sujets ont été choisies selon les espèces pour rendre des situations réelles comme par exemple la recherche de subsistance, une position de récupération ou encore la restitution de plusieurs comportements au sein d'un même troupeau.
Réalisme 
Les paléolithiques ont souvent fait le choix de représenter des animaux, grandeur nature, dont les détails anatomiques sont respectés dans leur forme et leur proportion. Le réalisme de ces figures permet de reconnaître l'âge, le sexe et le comportement des sujets.
Détails 
Les sculpteurs magdaléniens ont respecté les proportions et les détails anatomiques, et ont traduit leur connaissance du monde animalier. Nombreux sont les détails figurés comme les cornes, les yeux, la langue, pour caractériser et rendre plus réalistes les sujets figurés.
Dynamisme 
L’art sculpté devient un support pédagogique, décrivant la relation privilégiée entretenue entre les populations magdaléniennes et le règne animal. Les chevaux aux têtes baissées ou retournées traduisent aussi la volonté de capter l’attitude, le dynamisme de l’animal. La torsion des corps, afin de rendre visible des détails anatomiques, traduit la volonté de montrer, à travers la forme, la conception que les artistes se faisaient des animaux.
À la croisée des espaces 
Même s’ils ne présentent pas tous le même degré de conservation, ces quatre ensembles pariétaux comportent de multiples similitudes témoignant d’un fonds culturel commun. Dans le même temps, des spécificités les distinguent et marquent des affinités locales.
Une tradition artistique 
Les quatre gisements partagent de nombreuses similarités illustrant un fonds culturel commun s’exprimant dans la technique employée, la thématique, la forme donnée aux représentations et la composition des ensembles. Tous les types de relief sont employés, combinés au sein des sculptures pour mettre en valeur certains éléments anatomiques (poitrail, chanfrein). Ces sculptures sont strictement figuratives, reproduisant animaux, et humains dans une moindre mesure. Un registre de motifs abstraits, peints et/ou gravés, peut y être associé. Ces sculptures se caractérisent par leur monumentalité (50-220 cm de long). Leur forme est régie par deux concepts formels fondamentaux. Une forte tendance réaliste s’exprime à travers des silhouettes entières, bien proportionnées et modelées, et par la profusion de détails anatomiques reproduits. La puissance animale est mise en valeur par l’emphase du poitrail et l’évocation des masses musculaires, par un modelé interne et le contour des volumes. Les graphismes sont structurés en frises : réalisés selon le même format, ils sont alignés sur une ligne horizontale en adoptant une orientation préférentielle commune. Au Roc-aux-Sorciers et à Cap Blanc, deux registres verticaux coexistent, correspondant à une différenciation thématique, technique et dimensionnelle. Cependant, les compositions s’appuient largement sur la topographie des lieux, ce qui contribue à rendre chaque site unique.
Deux groupes distincts 
À l’intérieur de cette tradition de la sculpture pariétale, deux faciès symboliques se distinguent. Un faciès s’étend de la Vienne à la Charente. Les sculptures sont peu épaisses, avec un creusement peu marqué. Le bouquetin y occupe une place de premier ordre. Les figurations sont très détaillées, avec l’indication soignée des principaux organes, des reliefs osseux et des masses musculaires. Elles sont aussi très dynamiques, représentées dans des attitudes stéréotypées. Ce faciès rassemble les frises du Roc-aux-Sorciers et de la Chaire-à-Calvin.
Artiste(s) itinérant(s) ? 